On oublie souvent la différence entre le bien et le mal, la distance qu’il y a entre les deux. On s’imagine souvent être sur la ligne, la franchissant de part et d’autre à un moment de notre vie, qu’il s’agisse d’une action bénigne ou probablement mortelle. La plupart des gens pensent qu’il existe un Dieu – ou plusieurs dans certains cas – à qui l’on peut supplier de pardonner nos pêchés, de les effacer d’une certaine façon. Moi, Alevtina Rider Wolkoff, je pense que la seule personne qui est capable de pardon est l’homme. C’est certainement la raison pour laquelle je ne crois en aucun cas à ces stupides aliens qu’on appelle les Styx que beaucoup trop de personne aujourd’hui prennent pour des Dieux. Une chose est sûre, je ne laisserais jamais une seule personne me diriger, si ce n’est moi, mon instinct et mon sens fou pour me mettre dans les problèmes.

« Laisse-moi au moins essayer ! » Pourquoi fallait-il que tout soit toujours compliqué lorsqu’il s’agissait de me confier une mission. Pourquoi fallait-il qu’on ne me prenne jamais au sérieux. Certes, j’avais ma part de responsabilité dans la non crédibilité, mais je pensais avoir fourni assez de preuves sur ma possibilité à réussir ce qu’on me demandait. La seule réponse que je recevais était un non, franc et massif, de la part de tout le monde. Je n’en pouvais plus. Je voulais faire quelque chose pour aider, pour les Trojans, pour ma famille. Il semblait que personne ne voulait que je fasse quoi que ce soit. « Pourquoi est-ce que vous m’avez accepté ? » Je balayais la salle du regard. Personne ne daignait me regarder. « Sérieusement ? Vous allez la jouer comme ça ? » C’en était trop. Je récupérais ma veste sur la chaise qui était face à moi et partait de la pièce sans oublier de claquer la porte. Je l’avais vraisemblablement claqué un peu fort étant donné que le bruit fut massacrant et que les murs ont bougé. Je me hâtais de sortir des locaux pour rejoindre les ruines. Une misère parmi les ruines. Je soupirais marchant lentement, les bras ballant, j’avais l’impression de n’avoir ma place nulle part en dehors de ces débris. J’enfilais ma veste avant de prendre mon poignard placé dans une de mes bottes. Je laissais la lame chatouiller la paume de ma main. La pointe venant s’appuyer un peu plus sur le bout de mon index. Une perle rougeâtre coulait le long de mon doigt. Les larmes, elles, perlaient sur mes joues rougies par le froid. Et dans un cri de colère je lançais mon arme dans une vitre encore intacte avant de tomber à genoux, relevant la poussière environnante.

Après avoir récupéré le poignard et m’être assise un instant sur un tas de pierres, à réfléchir, j’ai fini par me décider à retourner au centre. Après tout, je n’avais rien de mieux à faire, et personne ne serait là. J’attrapais mon téléphone pour vérifier l’heure. 11.45 a.m. Je prendrais mon temps pour y aller, je serais certaine de ne croiser personne. Le vent frappait mon visage, faisant pleurer mes yeux et, par la même occasion, couler mon maquillage. Stupide vent. Le froid ne me faisait pas peur, bien au contraire, j’étais habituer. Mais ne pas voir le soleil, n’avoir que du vent qui vient ébouriffer mes cheveux, j’en avais plus qu’assez. Je continuais d’avancer, luttant contre les bourrasques. Une petite chose comme moi ne faisait pas vraiment le poids face à un élément comme celui-là. Je voyais Aurora Borealis à l’horizon, j’y étais presque, les environs étaient déserts, j’espérais que le centre le serait également. Encore quelques mètres. Un. Nous y voilà. J'ouvrais la porte, lentement, avant d’entrer et de refermes la porte. J’avançais prudemment, tout était bien silencieux. C’était l’occasion ou jamais. Je marchais donc un peu plus rapidement pour aller fouiner dans le bureau de Jenkins avant qu’il ne revienne. Je passais devant la salle des capsules, les cellules, les … Je m’arrêtais. Quelque chose avait changé. Je n’arrivais cependant pas à voir ni savoir quoi exactement. Je décidais de m’aventurer dans l’inconnu, une fois de plus. J’avançais à pas de loup, essayant de respirer le plus lentement possible. Mes mouvements étaient lents, souples. Le seul problème, c’est que j’avais tendance à ne jamais porter des vêtements très pratiques, et cette fois ci, ce sont les talons de mes bottes qui m’ont joué des tours. Un caillou au sol – que faisait-il là après tout – et mon talon est venu se poser sur celui-ci pour tordre très proprement ma cheville et tenter de me faire tomber. Je me rattrapais à la première chose sur mon chemin, un extincteur, rouge poussiéreux, sur lequel j’ai failli écraser ma tête. Après tout ce ramdam, s’il y avait quelqu’un, j’étais découverte. J’emportais avec moi l’engin. Quelques pas de plus et je découvrais une plaque au sol, elle était plus propre que le reste des cellules. Etrange. Je passais la tête dans l’encadrure de la porte avant d’y emmener le reste de mon corps. Kane Lawrence Spencer. Que faisait-il ici ? « Je te vois tu sais ? » Il était immobile, au beau milieu de la pièce, que j’examinais d’un bref coup d’œil. Je n’étais jamais venue par ici. D’après ce que je comprenais, ça devait être sa chambre. Avant. Je laissais un léger rictus de désolation mouvoir mes lèvres, le regard plein de compassion.

« Tu comptes rester là ou tu veux trouver ton dossier ? » J’espérais que cette information le ferait bouger. J’étais persuadée que les léthés auraient souhaité savoir pourquoi ils étaient là, qui ils étaient avant tout ça. J’ignorais si j’étais tombée sur la bonne personne. Je ne savais pas non plus si j’en trouverais une quelconque satisfaction. « Suis-moi. » Sans attendre je sortais de la chambre pour retourner dans le couloir, m’assurant que personne n’était revenu. Je déposais l’extincteur dans le virage et continuais tout droit jusqu’au bureau de Jenkins. Doucement, mais surement, j’empoignais la poignée de la porte pour ouvrir cette dernière. Clear. Je faisais un signe de la tête à mon compatriote pour lui dire qu’on pouvait entrer, évidemment, je manquais de me prendre la porte, mais ce n’est qu’un détail. Nous entrions enfin dans le bureau tant convoité. « OK. Que la fête commence ! » J’allais instinctivement vers la gauche, laissant la droite du bureau à mon ami. La fouille pouvait commencer. Premier tiroir, des plans. Deuxième, des papiers sur les Trojans, aucun ne portait mon nom cependant, mais je connaissais la plupart des gens qui étaient ici. J’ouvrais l’armoire qui se trouvait à côté du premier meuble, il y avait tout un tas de papiers sur le projet Aurora Borealis, aucun signe des dossiers sur les léthés cependant. Je regardais un instant le bureau de Jenkins. Je le contournais pour m’assoir sur son fauteuil. L’un des tiroirs était fermé. Soyons maligne. Je posais mes mains en dessous du bureau, tout se passait pour le mieux, je venais de trouver la clé. J’ouvrais rapidement. Le butin se trouvait enfin là. Sous mes yeux. Je feuilletais les noms à la recherche de celui qui nous intéressait. Kane Spencer. Je l’attrapais et le posais sur le bureau avant de me tourner vers le principal intéressé. « C’est le moment de vérité. »

J’avançais calmement jusque dans la chambre avant d’y découvrir Kane. Immobile. Comme à mon habitude je n’empêchais pas le sarcasme de sortir de ma bouche. Il ne savait pas qui arrivait, donc il restait là. Je plissais les yeux, ne comprenant pas exactement le raisonnement. Je haussais les épaules. Laissons tomber. Je l’invitais à me suivre jusqu’au bureau du vieux Jenkins pour retrouver les dossiers des Léthés. J’espérais qu’il trouverait son bonheur, que je pourrais également y trouver le mien. J’ignorais encore comment, cependant. Je déposais l’extincteur au coin d’un couloir. La voix du Léthé me fit m’arrêter un instant. « Pertinent. Vraiment. » Je levais les yeux au ciel dans un léger soupir avant de reprendre ma route. Nous étions arrivés. J’entrais et commençais les recherches.

Les tiroirs et les armoires étaient pleins, j’ignorais ce que tout cela signifiait ou faisait là. A vrai dire, je ne comprenais pas comment les Styx n’avaient encore mis la main sur cette base. Je me dirigeais vers le bureau, trouvant la clé du premier tiroir. Les dossiers des Léthés étaient tous là. Amber, Zach, Arya, Nick, tout le monde était là. J’attrapais celui de Kane avant de le poser devant moi. Je soufflais dessus pour enlever le brin de poussière qui c’était glissé sur le papier avant de me tourner vers mon compagnon de fortune. Voulais-t-il que je reste ou non ? J’hésitais à le laisser seul un instant pour réfléchir à tout ce qu’il pouvait y avoir dans ces papiers, mais il m’en empêcha. Moi ? Regarder dans son dossier ? Je déglutissais bruyamment en le regardant dans les yeux. « T’es sûr de toi ? » Un sourcil se levait, j’haussais les épaules en penchant la tête. « Allons-y ! » Je reportais mon attention sur la première page lorsque ma main soulevait la pochette. J’inspirais. J’avais peur de découvrir ce que je ne voulais pas savoir.

Mes yeux parcouraient chaque ligne écrite sur ces pages. Le dossier était cependant trop volumineux pour que je m’attarde. Je lisais donc en travers, trop rapidement pour retenir des informations exactes, mais j’avais l’essentiel. Je continuais de lire, ne laissant paraitre aucune émotion, du moins, j’essayais. Je ne savais pas si je devais pleurer ou fuir. Il avait l’air d’être … traumatisé. Je faisais glisser la page suivante lorsque je découvrais des photos. Mes yeux s’écarquillaient. « Oh m… » J’avais laissé échapper les mots. Je n’en revenais pas. J’attrapais la première photo, comme pour me persuader qu’elle était bien réelle. Son visage était creusé, fatigué, je retournais à ma lecture pour comprendre ce changement. Non coopération. C’était donc la raison pour laquelle il ressemblait à un cadavre ? Je ne comprenais pas. Que lui avait-il fait exactement ? Je n’avais pas le temps de tout lire dans les détails, je terminais le dossier, non sans mal. J’avais mal pour lui. Pour ce qui lui était arrivé. Je refermais le dossier. Je regardais de nouveau Kane, une moue embêtée sur le visage.

« C’est pas très … glorieux on va dire. Je ne sais pas si tu veux que je te raconte, mais tu étais plutôt instable, ils ont eu du mal à te contenir. Je ne sais même pas comment ils ont fait pour que je puisse te voir debout devant moi aujourd’hui. » Je me relevais, les papiers dans les bras. Je contournais le bureau et tendais son dossier au Léthé. « Je pense que tu devrais le lire quand même. » C’était ça mon but. Aider les Léthés. Les faire accepter ce qu’ils sont, ce qu’ils étaient. Les aider à guérir de leurs anciennes blessures si elles étaient toujours là. Maitriser leurs pouvoirs s’ils en avaient besoin. J’étais là pour eux. Pas pour dégommer les Styx, bien qu’une fois de temps en temps ça ne ferait pas de mal, j’étais là pour les nouveaux. Peut-être qu’elle était là la raison pour laquelle Jenkins ne voulait jamais me faire partir en mission. J’avais l’impression d’être une enfant à qui l’on apprenait comment marcher. J’étais toute petite, et je venais de m’apercevoir à quel point le monde était grand.