Affronter la réalité. Affronter les démons. Les hommes et les femmes. L’amour. L’amitié. Il suffirait d’une étincelle pour me faire exploser. Je n’étais pas d’humeur. En réalité, aujourd’hui était l’anniversaire de ma mère, et je n’arrivais toujours pas à faire face à son départ. Sa mort. Ma gorge se serrait. Je retenais mes larmes depuis mon réveil et j’avais peur de tomber sur de mauvaises personnes qui me feraient perdre mon sang froid. Travailler au beau milieu des Styx et des Nyx ne m’aidait en rien à garder mon sang froid. Je détaillais chacun de leur geste, chacune de leur parole. Je n’avais qu’une envie : les égorger. Un par un. Malheureusement je ne pouvais rien y changer, sinon je perdrais tout. Mon boulot, ma couverture, ma place chez les Trojans probablement. Je me posais derrière le bar, pensive. Depuis que les Léthés avaient fait irruption dans nos vies j’avais l’impression que tout avait changé, comme un nouvel espoir de réussite. J’ignorais ce que tout cela allait bien pouvoir faire, mais j’y croyais, au fond. Je me repassais les images de la découverte. Si seulement mama avait pu voir ça. Les larmes me montaient aux yeux. Je tapais du poing sur le comptoir avant de me redresser. Je me raclais la gorge et inspirais une grande bouffée d’air. Je fermais les yeux en expirant. Plus un soupir qu’autre chose. Il fallait que je me calme, que je fasse face à ce qu’était devenu mon quotidien sans elle. Je rouvrais les yeux et découvrais un visage connu. Pas que le visage. Un léger rictus vint se glisser sur mes lèvres. Wyatt. Un Nyx. J’étais tombée bien bas cette nuit-là. Enfin.

J’avançais lentement vers l’individu en question, un petit calepin à la main. Plus que deux pas, et je serais à sa portée. J’hésitais. Ne devrais-je pas laisser son cas à une personne qui n’avait pas couché avec lui ? Je regardais autour de moi. Qui n’a pas couché avec lui ? Un large sourire venait illuminer mon visage. Je me rapprochais donc de deux pas et lui tapotais sur l’épaule avant de prendre le stylo que j’avais glissé derrière mon oreille et de me mettre en position pour noter. Je ne le regardais pas. « Qu’est-ce que je vous sers ? » J’étais prête à prendre sa commande, mais je me décidais finalement à le regarder en face. Je n’aurais peut-être pas dû. « Tu vas bien ? » Mon sourire était toujours aussi large, mais je sentais que quelque chose n’allait pas. J’avais certainement dû faire quelque chose de mal. J’en étais persuadée. Et puis après tout, ce n’était pas un Nyx qui allait m’apprendre à vivre. Mon sourire s’effaçait, je croisais les bras. Hm hm.