Eymes intimidated me. Not because he was the founder, the leader, as some said. This, I was formalized a long time ago... No, it was something else. A feeling of well being, but with a big knot in my stomach when I was in his presence.

Le plus haut des tabourets du laboratoire menait mes yeux directement à la hauteur de l’objectif du meilleur microscope que l’on avait pu récupérer. De tous ceux qu’on avait, c’était mon préféré. Il avait le meilleur grossissement, ce qui me permettait vraiment de voir l’infiniment petit. Pourtant, je me forçais toujours à ne l’utiliser qu’en dernier recours, le trouvant un peu trop impressionnant pour m’en servir tous les jours. Et ce jour là, j’étais face au mastodonte. Mon éternel calepin à la main, je dessinais et redessinais mes observations. Dans une sorte de bassine, à côté de moi, j’avais à disposition un échantillon de sang de chaque Léthé. Ces derniers temps, je pouvais passer des heures à les observer, notant les molécules qui différaient des nôtres, et ainsi de suite. Malheureusement, plus j’avançais dans mes recherches, plus je constatais qu’ils étaient aussi humain que nous…

C’est lorsque je me penchais sur le sang de notre passe-muraille, du nom d’Amber, que je compris enfin pourquoi je m’acharnais sur ces observations apparemment sans succès. Dans ma tête, plusieurs schémas se dessinaient sur le pourquoi du comment de chaque capacité. J’étais persuadée qu’en découvrant ce qui les différenciait de nous, je serais capable de reproduire la mutation. Bon, en tout cas, personne ne s’était opposé à mes recherches… Je notais avec fébrilité mes observations, m’attachant aux détails insignifiants autant qu’au tout. Et là, l’ensemble me sauta aux yeux ! Les molécules du sang d’Amber étaient beaucoup plus espacées qu’à la normale. Surprise, agréablement tendue, je ne tenais plus en place. Je devais surement paraitre ridicule d’être autant enthousiaste, surtout pour si peu. Mais la réponse était dans cette observation, j’en étais sûre ! En moins d’une seconde, je me retrouvais à claquer la porte du labo, en laissant trainer les échantillons. J’avais déjà parcouru quelques mètres lorsque la raison m’obligea à revenir sur mes pas, et à ranger au frais les échantillons étiquetés. Puis je refilais en direction du bureau d’une certaine personne.

Plus j’avançais, plus je me trouvais ridicule. Je n’avais rien découvert du tout, j’avais juste des suppositions, et j’allais me jeter dans le bureau du chef, qui avait sans doute mieux à faire que de perdre du temps. C’est pourtant presque sans frapper que je rentrais, franchissant une porte déjà ouverte.

« Eymes ! »

Ca y est ! J’étais fichue ! Lorsque nos regards se croisèrent, je ne pus m’empêcher de rougir comme une adolescente… Foutues hormones ! Il fallait vite que je dise quelque chose. Je sentais les secondes s’engrainer, creusant peu à peu le malaise que j’avais. Jouant avec mes doigts, j’aspirais un coup d’air.

« Tu as quelques secondes à m’accorder ? Je voudrais te faire part d’une théorie… »

J’avais un peu l’impression d’avoir avoué une bêtise. Eymes m’intimidais. Non pas parce qu’il était le fondateur, le chef, comme disaient certains. Ca, je m’en étais formalisé depuis longtemps… Non, c’était autre chose. Une sensation de bien être, mais avec une grande boule au ventre, me prenait lorsque j’étais en sa présence. Rassurée et apeurée en même temps. Parce qu’il était là, et que je pouvais à loisir observer ses traits, et parce que je ne savais pas si cette attirance était dans l’ordre des choses, et encore moins si elle était réciproque.

Soudain découragé Eymes laissa tomber le stylo avec lequel il griffonnait des notes depuis deux bonnes heures et il se redressa. Un point douloureux dans son dos le fit grimacer et c’est d’un regard endormi qu’il avisa l’heure qu’il était. Complètement déboussolé par de longues nuits sans dormir, il était crevé en plein milieu d’après-midi et il se serait volontiers accordé une petite sieste. Mais la liasse de paperasse qui traînait sur son bureau l’empêchait de trouver le sommeil. Il prit sa tasse de café pour en boire une gorgée mais ce dernier était glacé et il manqua de s’étouffer avec le liquide. Renâclant il se leva pesamment et se traîna jusqu’à la cafetière qui avait été installée dans son antre, matériel indispensable à son bien être. Il remplit la machine d’une poudre odorante et la mit en marche dans un doux ronronnement. Très vite l’odeur de café chaud emplit la pièce.

Il trouva sur un coin de table un bout de pizza de la vieille qu’il se mit à mâchonner en attendant que sa dose de caféine soit prête. Il passa une main sur son visage, pour en chasser la fatigue et nota mentalement les tâches qu’il lui restait à accomplir. Une montagne. Pourtant ça ne sembla pas le décourager, Eymes savait que ce que les trojans accomplissaient aujourd’hui était une garantie pour l’humanité. Même si aujourd’hui ils avançaient à pas de fourmis, et qu’il leur manquait une force de frappe suffisante, ils étaient sans conteste devenus un groupe puissant vers lequel les plus démunis pouvaient se tourner. Ils pouvaient être fiers, puisqu’un jour leur actions seraient récompensées.

Esquissant un sourire béat il se reprit aussitôt quand on entra en trombe dans son bureau et inconsciemment il remit de l’ordre dans sa tenue et ses cheveux. Il se racla la gorge pour donner un peu de consistance à sa voix.

« Mlle Sturridge… » Puis il se reprit ne sachant quelle mouche l’avait piqué d’un seul coup. « Jessica… » Prononcer son prénom avait un effet insolite sur lui. Il avait l’impression qu’ils partageaient une intimité qu’ils étaient loin de connaître.

Jessica était une femme magnifique, de celles dont il n’osait jamais rêvé. Belle, et surtout intelligente, elle le déstabilisait sans cesse de part ses remarques et il ne savait absolument pas sur quel pied danser avec elle. Ils s’appréciaient, de ça il était certain, puisqu’il leur était souvent arrivé de discuter jusqu’à des heures improbables, s’affrontant sur un terrain qu’ils maîtrisaient tous les deux, la physique. Mais l’attachement d’Eymes pour la jeune femme était plus profond et s’il avait autant insisté pour qu’elle fasse partie des trojans, ce n’était pas à cause de son brillant esprit.

« Tout ce que tu veux… » Promit-il, avec une gagaterie qui le rendit perplexe. « J’allais juste me faire un café tu veux une tasse aussi ? » Et le voilà partit à la recherche d’une tasse propre cachée sous le monceau de notes entassées sur son bureau.

De nouveau on entra dans son bureau et il fit les gros yeux à l’intrus qui sitôt qu’il remarqua la belle scientifique bredouilla une excuse et s’éclipsa en refermant la porte du bureau. Beaucoup déjà avaient remarqué l’attirance entre les deux jeunes gens et s’amusaient de les voir se tourner autour sans jamais arriver à rien.

« Une théorie tu disais ? » Reprit-il alors qu’il servait deux tasses, peu à l’aise dans le silence qui s’installait.