Odium & Emily
dans
« Comment tout commença. »

Emily avait déjà été au cinéma quelquefois avant ses six ans. L’excitation qu’elle ressentait avant d’entrer dans la salle, avant de voir le film, la certitude qu’elle allait vivre une fabuleuse aventure, qu’on ne la chicanerait pas car elle allait trop manger. C’était la belle époque. Maintenant… et bien, elle se contentait de vendre des billets, ainsi que de la nourriture qui elle n’avait pas trop changé. Elle avait vu chaque films qui étaient sortis une fois. Au cas où on lui poserait une question sur le film, comment il était. Elle répondait souvent la même chose. Elle était toujours étonnée de voir le nombre de personnes qui regardaient les films alors que le sujet était le même. Ça devait être l’un des pouvoirs des Styx. Devait, car elle n’en était pas sûre. Elle ne s’était jamais renseignée sur quels pouvoirs avaient les Styx. Elle en savait a moins un officiellement, mais les autres, pas du tout. Il y avait un dicton qui disait qu’il fallait bien apprendre à connaître ses ennemis. Ou encore qu’il fallait surveiller de près nos amis et encore plus près nos ennemis. Peu importe, pour elle, elle allait s’en passer. La seule chose dont elle était sûre envers les Styx était qu’il fallait le plus possible les éviter. Ce qu’elle faisait autant qu’elle le pouvait. Il devait être environ vingt-trois heures, elle venait de finir de travailler au cinéma et elle allait donc prendre la route pour retourner chez elle. Rien de très original là-dedans, sauf qu’elle devait bien rentrer chez elle à un moment ou à un autre. Prendre une douche et se débarrasser de cette odeur de pop corn. Elle, elle ne la sentait plus, elle y était habituée. On lui avait déjà dit et elle voulait bien le croire. Juste en sentant ses vêtements le lendemain matin elle y croyait. Elle n’avait donc aucun mal à croire que sa peau pouvait s’en être imprégnée. Cela lui donnait un goût particulier selon certaines personnes. Elle voulait aussi bien les croire. Tant que c’était un bon goût, elle ne s’en plaindrait pas.

Pour rentrer chez elle à pied, cela prenait environ une demi-heure. Ce qui pouvait paraitre long pour certaines personnes, mais pas pour elle. Elle aimait bien marcher. Même aussi tard. C’était aussi relativement sécuritaire comme coin, elle n’avait rien à craindre. Enfin, autant que possible dans la situation où ils étaient. Bien qu’elle faisait attention, elle redoutait toujours de tomber sur un Styx car elle ne savait pas du tout ce qu’ils pourraient lui faire. Il y avait tellement de rumeurs. Il était assez difficile de ne pas les entendre. En rencontrer un devait être l’une des dernières choses qu’elle avait envie de faire. Elle n’oubliait donc pas de passer par des coins où moins de personnes passaient. Par précautions, afin de rencontrer le moins de Styx possible. Sauf qu’elle ne pouvait pas faire cela partout. Elle devait tout de même passer par des chemins plus connus pour se rendre dans le quartier sud. Pour le moment, rien n’était arrivé. Il n’y avait donc aucune raison de croire que cela puisse lui arriver une première fois. Sauf que bien entendu, elle ne pouvait prédire l’avenir et elle ne pouvait donc pas se douter que la première fois allait justement arriver. Pas une simple rencontre ‘ordinaire’ où l’on saluait et continuait le chemin. Non. Elle n’aurait pas cette chance cette fois-ci. À cause d’une toute petite chose qui n’était pas arrivée les fois précédentes. Un geste tellement banal que c’en était drôle qu’il puisse changer à ce point l’avenir d’une personne. L’un de ses collègues l’accompagna sur quelques rues, la suivant, et juste avant de tourner pour se rendre chez lui, alors qu’elle continuait car elle était loin d’arriver, il décida, sans qu’elle ne sache pourquoi, de lui ébouriffer les cheveux. Ce qui la fit rire, lui aussi, la saluant, continuant son chemin. Elle dût s’arrêter afin de refaire sa queue de cheval, simple question de ne plus avoir de cheveux devant les yeux afin de savoir où elle mettait les pieds. Elle s’arrêta juste assez longtemps pour faire malheureusement une rencontre qu’elle n’aurait jamais fait si elle ne s’était pas arrêtée. Ou comment un geste banal peut tout faire changer.